dimanche 27 décembre 2015

Lutte pour le courage de vivre

 
Michel Vézina
La machine à orgueil
Littérature québécoise
216 pages, Québec Amérique, 2008
Photographie de la couverture: Happy Road d'Isabelle Gauthier

+: Profondeur

-: lassant

Thèmes: Deuil, orgueil, identité, suicide

Résumé: Mado s'est pendue. Pour Jean-Pierre, alias DJipi, c'est comme être frappé par un dix-roues. Un dix-roues rempli de dynamite. Sans-abri de luxe, cet ancien punk sur le déclin erre de beuveries en lignes de coke à la recherche du vide. Il ne veut plus rien, se fout de tout. Il voudrait mourir lui aussi, là, tout de suite. Si seulement il en avait le courage... Homme de bruits et de sons, il s'exile dans un chalet perdu et silencieux du plus fin fond de l'Estrie.
Mais DJipi ne mourra pas. Il y aura les oiseaux et l'Allumé, son voisin ermite. Il y aura leur petit joint du jeudi matin, pour raconter la vie, il y aura le rêve d'un Environnement Sonore Autonome qui ne voudra pas s'éteindre, et il y aura surtout la Machine à orgueil. 

Michel Vézina signe ici une oeuvre musicale raclée dans le vif où il est question du rapport à l'amour, à l'identité, et à cette lutte perpétuelle que l'on doit mener pour avoir envie de demeurer du côté des vivants. 


Comment chroniquer un livre qui nous donne un choc? Un peu ardu, mais moins que le style cru de l'auteur, quand on n'est pas habitué à un tel style. Cependant, ici, ce style cru n'est pas un défaut, mais bien une ambiance, un état d'esprit insufflé au roman qui nous fait voir la rage, le désespoir de DJipi suite au suicide de son amie Mado. 
On alterne entre le présent et le passé de DJipi pour bien comprendre ses relations, son passé, où cela l'a mené, ce qui l'a mené à ce tournant de vie.
Avec un langage cru, on réussit à saisir tous les sentiments éprouvés par DJipi, la profondeur de ceux-ci, jusqu'où l'entaille s'est creusée. On voit aussi ses tourments pour tenter de se relever, ses doutes sur son envie de se relever, l'orgueil qui demeure et qui l'enchaîne.
Il arrive un point aussi du récit où j'ai trouvé qu'on sentait moins les sentiments, que ceux-ci paraissaient moins vrais. Peut-être par un effet lassant du langage cru, ou pour d'autres raisons que je n'ai pas réussi à trouver. Mais cette sensation de lassant n'a pas duré, et j'ai vite replongé dans le récit.
Bref, une belle quête pour la vie, un gros baume sur le deuil à vivre, une belle leçon d'humilité que nous donne cette machine à orgueil, un grand cri de désespoir pour l'espoir, pour la vie. Bref, un livre qui marque.


Extraits/Citations


Voici un extrait pris sur la page au hasard. Et le hasard fait bien les choses, car je trouve que ça donne un peu l'esprit du récit. Je dis un peu, car certains passages sont plus crus.

Je regarde les geais chasser les bruants. Je me rappelle un ami qui me disait qu'il fallait simplement entrevoir une seule belle chose par jour, pour donner l'occasion au bonheur de se manifester.
Rien ne change, jamais. Rien ne change, jamais.
Mado. Je cherche ta voix dans mes bandes, sur mes cassettes, sur mes disquettes et sur mes disques. Je ne te trouve plus. En mourant, t'es-tu effacée de ma vie? J'ai toujours cru que j'étais un homme heureux. Depuis ta mort, je me sens comme si j'avais tout raté. Comme si, de tout ce que j'avais décidé de faire, rien n'avait pu être à la hauteur de ton malheur. Aujourd'hui, la tristesse me mine. Je me sens comme un échec. Un gros crisse d'échec à moi tout seul.
Rien ne change. Rien ne changera jamais.
Je suis seul. Nous sommes toujours seuls. Nous vivons avec l'impression de faire partie d'un groupe, mais finalement nous sommes seuls, horriblement seuls. 

Et un autre.

Fuck! Jusqu'à sa mort, j'avais pourtant l'impression qu'elle était joyeuse, ma vie! Un hostie de long chapelet de plaisirs, une longue suite de jouissances! En mourant, Mado m'a obligé à me rendre compte que je n'ai fait que me cacher dans un monde imaginaire, une suite perpétuelle de fuites.
[...]
La somme des plaisirs ne mène pas au bonheur.
Depuis l'âge de dix-sept ans que je me tompe.
Mado n'a peut-être pas pu supporter l'idée d'un tel échec. 



Parce que je participe à quelques challenges...

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